mercredi 30 janvier 2013

Du décollage au décalage, partie II: le décalage

Partie II, le décalage :

Je commence à réaliser que je m’en vais vraiment en Asie en arrivant au quai d’embarquement de All Nipon Airlines (ANA) à l’aéroport de Chicago. La foule essentiellement constituée de Japonais me prouve que je ne suis plus en Gaspésie.

Dans l'avion, le service est courtois, la bouffe est bonne et les sièges confortables. On a même un écran individuel pour écouter films, vidéoclips et jouer à Tetris. On peut également visualiser avec précision la position de l'avion sur la carte, connaitre le temps estimé d'arrivée, le temps de route depuis le décollage, l'altitude, la vitesse des vents etc. Bref, on se croirait presqu' aux commandes de l'appareil grâce à une caméra située à l'avant de ce dernier.

Il en va tout autrement du vol Tokyo-Bangkok de United Airlines. Près de deux heures de retard au décollage à cause de problèmes techniques nous confine plus de neuf heures dans cette boîte de sardines volante. Coincé entre un ado birman me prenant pour son oreiller et un Américain aussi sympathique qu'un mur de brique, les secondes s'étirent à l'infini. Pour ajouter à l'agrément de ma traversée, mon nez se met à couler et la gorge à me piquer. Le rhume que je combattais en bon viking depuis des semaines profite de la fatigue, du stress et de l'air recyclé de l'avion pour percer mes défenses.

Finalement, à 11h45 pm,  la secousse causée par le train d'aterrissage au contact du sol asiatique résonne comme une délivrance.

Bangkok

Je me fais deux amis pour partager le taxi de l'aéroport jusqu'au quartier touristique de Kaosan Road et Rambuttri Village. Je sais toujours pas ni où ni comment je vais dormir mais chose certaine je n'irai pas me coucher avant d'avoir vérifier le goût de la bière thailandaise. Je me retrouve donc dans un bar reggae d'une ruelle au fumet d'urine en compagnie de mes compagnons de route improvisés. Genady, un Canadien d'origine Russe vivant à Toronto et Marilyne, une herboriste en herbe en provenance de Val-David. Cette spécialiste de la Thailande connait déjà tous les racoins de ce coin de la ville et sera mon guide de Bangkok pour les 3 jours suivants.

Les 12 heures de décalage sont encore plus pénible lorsqu'on se couche à 7 heures du matin après un voyage d'une trentaine d'heures. Sans parler d'une journée de route abominable entre Matane et Montréal à affronter tempête, glace noire et carambolage.

Mes premiers 48 heures passés à Bangkok sont comme une expédition dans une jungle de distorsion spatio-temporelle, thermique et culturelle. Bien que je ne sache pas toujours si on est le jour ou la nuit, je réussis malgré tout à tuer mon rhume à grand coup de bouffe épicée, de bière, de vodka et de sueur. Je me fais également rembourser, en partie, mon billet Bangkok-Rangoon acheté de force à mon départ. On me charge tout de même une irritante pénalité de 100$.

Alors qu'il fait -35 au Québec, je déambule en suant à 35 degrés dans cette mégalopole de 14 millions. Mis-à-part la chaleur, les odeurs et le bruit, les rues de Bangkok sont parsemées d' innombrables endroits offrant des massages pour aussi peu que 4$ la demie-heure. Marcher sur Kaosan road la nuit est un divertissement en soi. Bars, boutiques, guest houses, salons de massage et stands à nourriture bordent par centaine l'une des rues les plus toutistiques du pays. Dans cet environnement chaotique, on peut aussi déguster scorpions, tarentules et coquerelles frites. Devant ces stands à insectes, mon côté conservateur prend le dessus et je préfère me commander un traditionnel pat thai... voire une poutine!

Bruno Blanchette est un journaliste, écrivain et comédien québécois qui tient avec sa copine thailandaise un stand à poutine non loin de Kaosan road. Une Poutine à Bangkok est le nom de l'endroit. C'est là que je fais la connaissance d' Émilie et Pierre-Yves arrivés au terme de leur voyage. La soirée est encore jeune et je leur manifeste ma disponibilité pour aller se raffraichir le gosier quelque part. Après avoir arpenté Kaosan Road bière à la main quelque temps, Émilie lance l'idée peu catholique d'aller virer dans le redlight district pour assister à un fameux "ping pong show".

Dans une rue piétonne particulièrement achalandée, on se fait solliciter de toutes parts par des vendeurs de débauche qui nous interpellent ainsi: "Ping-pong show? No cover charge! Pok! Pok! (son de balle de ping-pong expulsée d'une bouche ou d'un autre orifice avec une pression d'air considérable). Nous longeons bars de danseuses "barely legal" et autres lieux de divertissement douteux jusqu'à l'endroit qui devrait satisfaire notre curiositée perverse.

N'ayant autre chose à voir avec le ping-pong que la balle elle-même, un ping-pong show est un spectacle où une danseuse nue s'insère des balles de ping-pong dans le vagin pour ensuite les projeter sur l'assistance qui n'a même pas de raquette pour se défendre! En bonus, la femme au vagin polyvalent peut aussi déboucher des bouteilles de bière (sans twist-cap), manipuler des chopsticks et s'insérer pluieurs mètres de tissus ayant l'air de drapeaux à prière tibétains. Tout ça au plus grand bonheur (ou indifférence) de la foule en délire (ou non).



Ces numéros de cirque choqueraient n'importe quel bon chrétien. Étant moins chrétiens que bons, le plus choquant pour nous est la facture qu'on essaye de nous faire avaler en partant du bar: quelques 2000 B (70$) pour trois consommations! Ça commence à faire cher le drink qui normalement couterait 3$ et des poussières. "No cover charge" mon oeil! En tabarnak de se faire arnaquer, les tabarnacos que nous sommes partons en ne laissant que ce que nous devions pour nos drinks plus un extra pour le show (500 B au total). Aucun portier ne nous en tient rigueur et nous sautons dans un tuk-tuk qui nous ramène à bon port à la vitesse de Jacques Villeneuve. Je retourne à ma chambre sans fenêtre ni air climatisée après m'être payé un massage de pied rédempteur.

en cette terre de contrastes




il y a les zen...


et les moins zen...



Bienvenue en Thailande!








 

dimanche 27 janvier 2013

Makou en Asie: Du décollage au décalage


 
Partie I,  le décollage :

Lundi 21 janvier, Montréal.  Il est quatre heures du matin et le mercure affiche -17 celsius. Déterminé à ne pas rater mon vol comme la fois où je suis parti au Guatemala, j’arrive à l’aéroport 2h30 avant le décollage en me disant que ça sera suffisant et surtout, que je n’oublierai pas de regarder ma montre… (voir mon blog : Makou au Guaté, épisode 1)

Il est 4h45 et je suis au comptoir d’Air Canada. La face de pimbèche de l’employée qui doit imprimer ma carte d’embarquement m’annonce d’un air pincé qu’il me sera impossible de prendre mon vol à moins de lui donner  une preuve que je vais sortir de la Thailande dans les trente jours suivant ma date d’arrivée.  Moi qui croyais avoir un décollage paisible, sans stress ni embûche, me voilà confondu par l’excès de zèle de cette bonne femme que je crucifix mentalement au bout d’un champ de tir de vaisselle d’église catholique.

Son argument : la Thailande émet un visa de trente jours étampé lors de l’arrivée dans le pays. Pour les séjours plus long, il faut demander une extension avant de quitter le Canada. Mon billet d’avion ne montre qu’une date de sortie 90 jours plus tard donc pas de preuve que je vais rester moins de 30 jours dans le pays. Selon la bonne conscience de miss Air Canada, la compagnie aérienne risque de se faire donner des coups de règle sur les doigts par le gouvernement Thailandais s’ils me laissent passer sans preuve de sortie.

Ce foutoire bureaucratique me force à ouvrir mon portable pour magasiner un billet d’avion en vitesse sur internet dans le hall principal de l’aéroport.  Il est 5h30 am et j’ai une longue nuit de 3 hrs derrière les paupières.  Je trouve un vol Bangkok-Rangoon  à 80$ avec Air Asia. Au mieux, je prend  ce vol pour vrai, au pire je perd 80$. Pour une raison ridicule que je découvrirai plus tard, je n’arrive pas  à entrer  mon numéro de téléphone  dans le damné formulaire de réservation d’Air Asia.  Je dois donc me rabattre en terrain connu et payer  un ignoble 334$ à Expedia.ca. pour le même billet.   Il est 6h30, mon vol part à 7h25 et il me reste trois étapes à accomplir avant d’être assis dans l’avion :

1-Apporter ma preuve de sortie de Thailande à mes amis d’Air Canada

2-Passer au scan

3-Passer les douanes américaines (à cause d’une correspondance à Chicago)

Ces dernières ont évidemment un line-up à perte de vue. S’il fallait qu’ils décident de me faire la vie dure, je n’aurais aucune chance d’attraper l’avion. Il est 7h10 et je suis en train de répondre aux questions du douanier qui me donne finalement l’absolution. Je pars aussitôt à courir vers le quai d’embarquement  avant de finalement  prendre place sur mon siège à 10 minutes du décollage. Essouflé, je pense à ma facture salée de 334$ et aux 25 heures de vol qui m’attendent. Les plages de Thailande me paraissent encore très loin…