mercredi 10 avril 2013

Épisode 12: Motorcycle diarrhées part.2





À Luang Namtha, ce sont des personnes agées de la tribue Aka qui traffiquent l'opium sous couverture d'artisanat.



Jour 1:

Gommés de la veille par un trip d'opium acheté à une vieille Aka au night market, nous quittons Luang Namtha vers 11h direction Oudom Xai. Romain, un globe trotter français de 6' 5'' qui voyage à vélo et sympathisant des Rock Ma Chine, nous rattrappe en fin de journée et nous repartons sur la fiesta pour une seconde nuit. Dépassant largement le couvre-feu Laosien de 23h, nous nous cognons le nez sur la porte du guesthouse que personne ne viendra ouvrir malgré nos appels. Nous sommes ainsi contraints de sortir nos talents de ninjas et d'escalader la cabine d'un pick-up pour atteindre le balcon donnant accès à notre chambre d'hotel. Toute une fin de soirée.

Romain a les 5 continents dans les rotules.


Jour 2:

Le géant à vélo prend la route la plus directe menant vers Luang Prabang puis Vongvieng, où on se rejoindra quelques jours plus tard. Quand aux motards, nous nous dirigeons vers une petite ville du nom de Muang Khua. Le but de l'opération est de mettre les bécannes sur des péniches et descendre la rivière Nam Où jusqu'à Nong Khiew, une centaine de kilomètres en aval, d'où nous complèterons la boucle jusqu'à Vongvieng.

Embarquer les motos sur ces étroites péniches ne fut pas tâche facile.


Jour 3:

Ce matin j'ai la nausée et vraiment pas d'appétit. Il me faut plus d'un effort pour mettre la moto sur la chaloupe qui à tout moment menace de verser à babord comme à tribord. La rivière est étroite avec plusieurs rapides zigzaguant entre des rochers très pointus qui nous font redouter un naufrage imminent. Le moteur est tellement bruyant qu'on est incapable de s'entendre parler. Je me bouche les oreilles avec mon I-pod en contemplant le paysage marqué d'un imposant massif montagneux. Après la deuxième heure, nous faisons escale dans de charmants petits villages où des légions d'enfants pêchent et se baignent avec le bétail.

Au long de la rivière Nam Ou:

 
   



L'arrivée au débarcadère de Nong Khiew permet enfin de prendre congé des inconfortables banquettes de bois et du vacarme infernal du moteur. Toutefois, le doute se manifeste dans nos esprits lorsque nous constatons que la rive où nous accostons est entièrement dépourvue d'accès à la rue située à quelques dizaines de mètres du niveau de la plage. Seul un escalier escarpé permet de s'y rendre. Impossible de monter les lourdes bécannes par là, encore moins avec un pied handicapé. Je repère un semblant de sentier sur la rive opposé et propose au skipper de nous y amener.


Un débarcadère mal-foutu


Après avoir débarqué les motos non sans difficulté, nous tentons l'opération la plus périlleuse de l'expédition à ce jour. Je pars à pied pour vérifier l'état du sentier sablonneux qui mène à la rue. À pied ou à vélo de montagne pas de problème, avec une moto de route chinoise, c'est une autre histoire. On se fait un caucus sur la stratégie à adopter pour venir à bout de ce single track full cross expert mal foutu. Une bande d'enfants agés de 10 ans sont prêts à nous prêter main forte... Première étape, les motos. On s'occupera des baggages après.

Julien s'élance en premier pour rocker sa Chine. Il prend presque le clos après quelques mètres et un coup de gaz de trop. Contraint de descendre de sa monture qui rue dans le sable, on se met à pousser à destination du sommet de la butte. Les irrégularités du sentier envoient Julien et sa moto dans le clos. 3 fillettes pouffent de rire devant nos malheurs tenant lieu de spectacle. Sans fracture ou blessure, on recommence l'opération qui nous fait suer quelques litres d'adrénaline avant de réussir à atteindre la rue.

Forts de cette première expérience éprouvante, on hisse ma moto avec un peu moins de difficulté mais il nous faut plusieurs minutes pour récupérer notre souffle et partir à la recherche d'un endroit où dormir. Je lègue un paquet de bananes en guise de pourboire aux morveux qui nous ont moins aidés par leur force que par leurs bonnes intentions.

Jour 4:

160 km sur une route sinueuse où la liste d'obstacles à éviter est longue: nids de poules, poules, roches, vaches, truies, branches, paysans chargés de branches, enfants, chiens, véhicules venant en sens inverse dans les étroits virages. Il faut klaxonner à chacun d'eux pour signifier notre présence. Par chance il y a très peu de traffic. Le paysage montagneux est magnifique mais trop brumeux pour voir loin. Ma moto sonne de plus en plus la cacane et je commence à me demander si c'est normal.

"Makou, tu trouves-pas que t'as moto fait un drôle de bruit?..."


Nous atteignons Viengthong à 17h. Mon transit intestinal n'est toujours pas normal et j'hésite encore à ingérer du solide. Je me risque à commander une soupe au poulet au seul resto de ce bled paumé encore ouvert. On me sert un bol de cartilage à un prix ridiculement élevé. Je retourne à ma chambre faible et dégouté avec le pire des karaokés comme trame sonore. Je crois comprendre le principe: celui qui chante le plus mal gagne. Même la vache d'à côté y participe. Belle nuit blanche en perspective la tête sur un oreiller empestant le pouch-pouch de grand-mère. Il me reste mon I-pod pour me consoler.

Jour 5:

Deux séances de chiasse avant de repartir ce matin. Je m'auto-prescrit un régime d'Immodium et de bananes pour la journée qui déjà à dix heures du matin pète les 35 degrés.

On fait une pause de 2 heures en mi-journée. À l'ombre de gros arbre, j'en profite pour rentabiliser un hamac acheté en Thailande au début du voyage. Ma condition intestinale semble stable. Je poursuis la route une banane à la fois.



À 25km de notre destination, un Laosien surnommé Tom arrive en scooter et s'arrête au bord de la route pour nous piquer une jasette. Sa jeune soeur est assise à l'arrière. Il s'en vont à Muang Khong pour la semaine afin d'aller à l'école. Chaque fin de semaine, ils retournent à leur village 40 km plus loin pour travailler dans les champs avec le reste de la famille. Ainsi va la vie au Laos rural.

Le son de ma bécanne ressemble de plus en plus à celui d'une mitraillette. Demain, changement d'huile et check-up à Phonsaban.

Jour 6:

When shit hits the fan...

J'arrive chez le mécano au volant d'une moto qui sonne de plus en plus comme une Kalachnikov. Si j'avais su une semaine plus tôt que le changement d'huile se transformerait en changement de moto, j'aurais probablement changé d'idée. Quand j'ai vu le visage des mécanos réagir au son du moteur au moment de redémarrer, j'ai compris que quelque chose de douteux affligeait ma machine. "No good, no good, engine no good!!!" me dit la mécanicienne en chef (scène assez surréaliste que celle d'une fille travaillant dans un garage au Laos). On me propose de démonter le moteur pièce par pièce pour voir si c'est réparable. Je me croise les doigts en priant bouddha. Je reviens deux heures plus tard pour le diagnostique. La pièce défectueuse est un engrenage qui semble relier l'alternateur aux pistons. Il y a un jeu anormal entre les deux pièces, ce qui explique le son de claquement. Poursuivre la route avec cette condition risquerait de me mettre dans le trouble au milieu de nul part sur une route montagneuse...



Personne ne parle plus de deux ou trois mots anglais dans ce coin de pays faisant augmenter radicalement le niveau de difficulté dans ce genre de situation. On me propose de changer de moteur... pour la somme de 2 millions de kips (240$). Une shop de moto voisine a un moteur de Zongshen flambant neuf. La mécanicienne me donne un coup de main pour essayer de savoir si j'ai droit a une garantie en téléphonant à la shop de Luang Namtha où j'ai acheté la moto. On me répond qu'ils doivent voir la bécanne en personne pour pouvoir faire quoi que ce soit. Retourner au point de départ est une option moins qu'intéressante. Il me reste à décider si je revend la moto pour les pièces le tiers du prix que j'ai payé ou bien remettre près du tiers du prix payé pour un moteur neuf qui ne sera pas nécéssairement plus fiable que celui qui gît déchiqueté à mes pieds.

Bonne nouvelle, mes intestins sont de retour sur le droit chemin et me permettent de digérer ma première bière en 4 jours de sevrage forcé. Avec Julien et Femke, je discute du dilemme et me laisse la nuit pour y réfléchir. Mes compagnons de route sont prêts à attendre l'issue de la situation avant de repartir.

Jour 7:

Résurrection

Rien comme 2-3 Beerlao et une bonne nuit de sommeil pour prendre une décision éclairée. Je décide de jouer le tout pour le tout et continuer le road trip au sein des Rock Ma Chine en changeant de moteur. Au point où j'en suis, je n'ai plus grand chose à perdre. En arrivant au garage, la mécano me dit que je peux carrément changer de moto auprès de la shop d'à côté qui vend exactement le même modèle. Le deal semble plus intéressant. Me reste à essayer la bécanne et m'assurer qu'elle n'est pas affligée du même défaut de fabrication. Road test concluant et confirmation de mon experte mécanicienne au beau sourire, je peux partir avec cette moto qui ronronne comme un ti-minou comparé à l'ancienne. J'annonce la bonne nouvelle à mes camarades et nous reprenons la route où nous l'avion laissée la veille: direction Vongvieng.

Bien que ma confiance envers les Chinoises neuves eu pris un sal coup, ma nouvelle monture de couleur rouge me mène à bon port deux jours plus tard en gardant son doux ronronnement.

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