Ma vie d'handicapé aurait été beaucoup plus misérable si je n'avais eu la possibilité deme ballader en scooter. Sans perdre de temps je vais voir un dealer de moto grognon et un peu fêlé qui se fait appeler "Happy Ken". Le Malaisien au "Happy" discutable me loue un bicycle à gaz pour 25R (8$) la journée. Je peux désormais aller jouer dans le traffic peu reposant de Georgetown.
Premier arrêt: l'hôpital général de Penang, département des pieds scraps. Après avoir rempli la paperasse, arpenté les corridors trop longs, payé mon examen et attendu beaucoup moins longtemps qu'au Québec, je reçois mon diagnostique. Aucune fracture, juste des tendons et ligaments étirés. Recommandations: marcher le moins possible et prendre mon mal en patience. Mes ambitions de trekkeur s'envolent en fumée mais je me console en pensant à mon Harley de 125cc.
Profitant de ma liberté relative, je pars explorer les rues de Georgetown en pestant contre ses sens-uniques et la densité du traffic. En contrepartie, la gentillesse et l'hospitalité naturelle des Malaisiens me surprend chaque jour. Ce peuple semble vivre harmonieusement malgré la diversité des origines ethniques et des traditions religieuses. Bouddhistes, hindouistes et musulmans se mélangent dans le plus grand respect de leurs différences.
Jeunes musulmanes célébrant le nouvel an chinois
Comme ma condition est propice à la consommation de bière sur le patio de l'hotel. Je me donne pour mission de trouver l'endroit le moins cher où m'en procurer. C'est dans une taverne minuscule fréquentée que par des locaux que je découvre le filon prometteur. Les alcools forts et bières à prix compétitifs abondent .
L'ambiance authentique de ce bar me plait tellement que je décide d'y honorer ma première cannette de la journée. Assis sur un tabouret de bois, j'observe la jolie barmaid d'origine cambodgienne servir les nombreux clients qui viennent acheter de la boisson pour emporter. Indiens et chinois affluent pour profiter des prix avantageux. Assis à mes côtés se trouve un Chinois édenté fumant du tabac local dans une feuille de bambou. Nous entamons une conversation approximative dont le thème principal est la façon de rouler ce tabac indien. Je passe du bon temps a jaser avec ce sympathique bon vivant qui me fournit amples informations sur les choses a voir a Penang.
Chin, maître rouleur de tabac indien.
Quelques bières et cigarettes traditionnelles plus tard, je prend congé de mon nouveau pote m'ayant fait cadeau d'un paquet de tabac et de feuilles pour que je puisse pratiquer l'art de rouler en chinois. Pour l'instant, j'ai moins de mal à rouler en scooter que ces cigarettes artisanales.
Souveraineté-association
Mon séjour à Pénang prend une tournure des plus intéressantes lorsque mon regard croise celui d'une jolie brunette au teint basané assise au resto de mon ancien guesthouse en ce matin du 25 fevrier. Avant de lui adresser la parole, je m'amuse à essayer de deviner la nationalité dont elle pourait être issue: Française, Italienne, Espagnole, Argentaine, Américaine, Turque, Québécoise?
"I'm from Canada" me dit-elle d'un ton motivé. Surpris par sa réponse, je réplique que je viens du Québec et lui demande de quelle province elle est issue. Entre deux gorgées d'un liquide verdâtre à la texture terreuse, Leah me dit être originaire de l'Ontario rural. Habituée de l'Asie et familière de l'ouest du Canada, elle a passée une bonne partie de la dernière année à Dawson city, dans le nord du Yukon. En rémission d'une tourista de neuf jours attrappée en Thailande, elle tente de terrasser cette dernière en buvant d'un air dégoûté la répugnante mixture recomandée par un médecin chinois. Son plan est de rester à Penang pour quelques jours avant de s'envoler vers Bali. Constatant que nous avons tout deux un mal à changer de place, je l'invite pour une virée en scooter afin d'explorer le reste de l'île.
Varan du Nil version Malaisie
"T'as pas une gueule de porte-bonheur..."
Leah savère être une hyperactive complètement déjantée qui s'extasie devant la moindre bouchée de pain indien. Son côté absurde ne fait qu'attiser le mien et notre excursion se transforme en un délir total qui durera jusqu a son depart, trois jours plus tard. Sillonant les routes panoramiques de l'arrière pays, nous nous faisons presqu agresser par des macaques et nous esquivons des lézards gigantesques dans un parc national, nous nous abritons de violentes averses dans des villages dénués de touristes et nous nous perdons dans une jungle où se cachent des narcotraficants...
Nos cerveaux imaginent des scénarios hollywoodiens dont nous sommes les héros et nous jouons des Mexicains en cavale dans la jungle colombienne, ou des Californiens sur l'acide à la recherche du nirvana dans les restos du quartier indien de Georgetown. Devant nos fourires incessants, les locaux doivent penser que nous flottons bel et bien sur une substance hallucinogène...
Mais certains Malaisiens sont décidément pire que nous. Au cours de notre première journée de route, nous assistons à une cérémonie de je ne sais quelle secte indienne se déroulant en pleine rue. Un homme d'un certain âge percé de toutes parts dans le visage avance lentement entouré de sa famille et de ses potes qui dansent, boivent, chantent et jouent des percussions autour de lui. L'un de ses compagnons tient une poignée de cordes reliées à d'énormes crochets plantés dans son dos. Autour de sa taille est attachée une ceinture d'objets argentés ressemblant à des théières. Mystifiés par l'étrange parade, plusieurs questions nous traversent l'esprit: Est-ce son anniversaire? Est-il nouvellement retraité? Vient-il d'ouvrir un salon de thé? Sommes nous en présence d'un possédé qu'on tente d'exorciser? Les photos sont permises et on nous invite à nous joindre à ce party surréaliste. Le fait que nous soyons les seuls touristes présents rend l'expérience encore plus unique. Vraiment pas besoin d'acide pour tripper à Penang...
Est-il nouvellement retraité?
Est-ce son anniversaire?
Le lancer du scooter
De retour à Georgetown après une dernère virée en scooter, je tente de monter avec la moto sur une chaîne de trottoir un peu haute et découvre une nouvelle discipline sportive: le lancer du scooter contre une voiture neuve. Je dis a Leah de descendre afin de manoeuvrer pour que la roue arrière, virant dans le vide, finisse par agripper le trottoir. En donnant un coup de gaz j'échappe le scooter qui bondit pour atterrir sur le côté passager d'une voiture neuve parquée devant un chic hôtel. Heureusement, le propriétaire n'est pas dans les parrages et les dommages se limitent à quelques barres noires sur la porte du passager. Je propose tout de même de déguerpir dans les plus brefs délais. Au cours de ce delit de fuite ma passagère un peu ébranlée se demande si elle ne devrait pas prendre un taxi...
De retour à l'hôtel, impossible de retenir un fourire en repassant a l'incident.
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